Le Gel des compteurs d’eau

Il n’est pas rare que les compteurs d’eau gèlent lors des grands froids. Et il est également fréquent que les services des eaux facturent à l’usager les frais de leur remplacement. Pour justifier leur demande, ces services invoquent une clause du règlement de service qui rend automatiquement l’usager responsable de ce type d’incident. Cette clause est souvent formulée ainsi : « Toutes réparations de compteur dont la détérioration serait due à une cause étrangère à la marche normale du compteur (gelée, incendie, etc.) sont effectuées par le service des eaux aux frais de l’abonné auquel incombe le soin de prendre les mesures nécessaires pour éviter les accidents dont il s’agit. »

Une clause abusive ?

Les tribunaux, saisis des litiges consécutifs à la période de gel de 1985, ont été appelés à se prononcer sur la validité de la clause. Ils ont eu, en particulier, à dire si elle était abusive,
comme l’avait considéré la Commission des clauses abusives dans sa recommandation 85-01 sur les contrats de distribution d’eau. La réponse de la Cour de cassation a été péremptoire : les tribunaux de l’ordre judiciaire ne sont pas compétents pour connaître d’une disposition réglementaire ; or la clause litigieuse est la reprise d’une disposition du cahier des charges type approuvé par un décret du 17 mars 1980 (Didier Chable c/ Sté des eaux de l’Essonne – Cass. Civ. 1re – 31.5.1988 – n° 87-10479).

Une clause à portée limitée

Si la Cour de cassation a refusé de qualifier la clause d’abusive et que, au contraire, elle en a consacré la validité, c’est en en limitant doublement la portée.

• En premier lieu, la Cour a considéré que le règlement de service et, en particulier, la clause litigieuse ne pouvaient être opposés à l’abonné que s’il en avait eu communication à la signature du contrat d’abonnement ; à défaut, ce dernier ne devrait subir les conséquences du gel que si une faute pouvait lui être reprochée (Cie générale des eaux c/ Demont et a. – C. Cass. Civ. 1re – 17.11.1987 – n° 85-17992).

• En second lieu, et à supposer que l’abonné ait effectivement eu connaissance de ce règlement, la clause n’a pas pour effet de mettre à sa charge les conséquences du gel s’il démontre qu’il a pris les précautions nécessaires pour protéger les compteurs d’eau des gelées (Didier Chable c/ Sté des eaux de l’Essonne – C. Cass. Civ. 1re – 31.5.1988 – n°87-10479).

En résumé, seul l’abonné qui n’aura pas protégé le compteur contre le gel devra assumer le coût de son remplacement ; et si le compteur gèle malgré ces précautions, son remplacement sera à la charge du service des eaux. Reste à savoir quelles précautions doit prendre l’abonné en cas de gel, lorsque le règlement de service n’en précise pas la nature. À titre d’indication,
citons cet arrêt de la cour d’appel de Rennes, qui a considéré qu’aucune faute ne pouvait être reprochée à l’abonné qui avait pris soin de fermer le robinet du compteur en son absence, de purger l’installation et d’entourer le compteur de matières isolantes (SNC Cise Ouest c/ Gloux – CA Rennes – 1.10.1991 – INC n° 2473).

Que faire en cas de litige ?

Dans un premier temps, l’abonné sera certainement obligé de payer le coût de remplacement du compteur. Rien ne l’empêchera par la suite d’en demander le remboursement en saisissant le tribunal d’instance de son domicile (et non pas le tribunal administratif ). Il sera en droit de le faire, même s’il a été contraint de signer une reconnaissance de responsabilité pour obtenir le rétablissement de son alimentation en eau ; souhaitons, cependant, que cette pratique déplorable, constatée après le gel de 1985, a été abandonnée par les distributeurs
d’eau.
L’abonné qui aura été victime d’une coupure d’eau, non pas en raison du gel, mais de son refus de payer les frais de remise en état du compteur, peut attaquer le service des eaux, car « la coupure d’eau pour un litige de facturation est inadmissible », ont précisé les juges de la cour d’appel de Rennes, dans l’arrêt du 1er octobre 1991 précité, condamnant le service
des eaux à verser 4 500 euros de dommages et intérêts à un abonné mis dans l’impossibilité d’utiliser sa résidence d’été deux années de suite.